Le licenciement d’un commercial pour non atteinte des objectifs est une situation délicate qui soulève de nombreuses questions. En effet, si l’insuffisance professionnelle peut constituer un motif de licenciement, encore faut-il que celle-ci soit avérée et que la procédure soit respectée. Quels sont les critères à prendre en compte ? Comment se déroule la procédure ? Quels sont les droits du salarié licencié dans ce cas ? Décryptage.
L’insuffisance professionnelle, un motif de licenciement encadré
Selon le code du travail, un licenciement pour insuffisance professionnelle doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. Cela signifie que les faits reprochés au salarié doivent être objectifs, vérifiables et d’une certaine gravité. La non atteinte ponctuelle des objectifs commerciaux ne suffit généralement pas à elle seule à justifier un licenciement.
Les juges considèrent que l’insuffisance doit être répétée dans le temps, malgré des rappels et mises en garde de l’employeur. De plus, l’employeur doit prouver qu’il a mis le salarié en mesure d’atteindre ses objectifs, en lui fournissant les moyens et la formation nécessaires. Une période d’essai infructueuse peut aussi étayer une insuffisance professionnelle.
L’insuffisance professionnelle se caractérise par des erreurs répétées, un comportement inadapté, une mauvaise volonté persistante ou une inaptitude à occuper le poste malgré une formation et un accompagnement.
Exemple : un commercial qui n’atteint que 50% de ses objectifs sur 2 années consécutives, malgré plusieurs rappels et un plan de formation dédié, pourrait être considéré en situation d’insuffisance professionnelle.
À noter |
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Les objectifs fixés doivent être réalistes, atteignables et les critères d’évaluation objectifs et communiqués en amont au salarié. Le contexte économique doit aussi être pris en compte. |
Une procédure de licenciement strictement encadrée
Si l’insuffisance est avérée, l’employeur doit respecter une procédure stricte pour procéder au licenciement du commercial :
- Convocation à un entretien préalable par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge, mentionnant l’objet et la possibilité d’assistance
- Tenue d’un entretien pour exposer les motifs et recueillir les explications du salarié
- Envoi de la lettre de licenciement après un délai de réflexion de 2 jours ouvrables minimum, en recommandé, détaillant les motifs
Bon à savoir |
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Avant d’engager une procédure, l’employeur doit avoir respecté son obligation d’adaptation et de reclassement et envisagé toutes les alternatives possibles (formation, changement de poste, redéfinition des objectifs…) |
Les droits du commercial licencié
Le commercial licencié pour insuffisance professionnelle a droit, s’il a au moins 8 mois d’ancienneté :
- aux indemnités de licenciement légales ou conventionnelles (calculées sur le salaire brut)
- à une indemnité compensatrice de préavis s’il est dispensé de l’effectuer
- à une indemnité compensatrice de congés payés
Si le salarié estime que son licenciement est injustifié, il peut saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts. Il devra alors prouver que l’insuffisance professionnelle n’est pas établie ou que la procédure n’a pas été respectée. Les juges apprécient au cas par cas le caractère réel et sérieux du motif.
Exemple : si un commercial habitué à dépasser ses objectifs est licencié suite à 6 mois difficiles liés à une crise sectorielle, sans autre motif, les juges pourraient considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À noter |
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En cas de licenciement injustifié, l’employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts, voire à réintégrer le salarié. Le salarié peut aussi bénéficier d’indemnités chômage. |
En conclusion, s’il est possible de licencier un commercial qui n’atteint pas ses objectifs de façon répétée, ce motif est strictement encadré. L’employeur doit être en mesure de prouver une insuffisance professionnelle durable, en dépit des moyens fournis au salarié pour réussir. Le non-respect de la procédure ou un motif jugé non sérieux peuvent entraîner la condamnation de l’employeur aux prud’hommes.
Dans tous les cas, le licenciement reste un ultime recours, après avoir envisagé toutes les solutions alternatives comme la formation, un changement de poste ou une redéfinition des objectifs. Un licenciement, même justifié, a toujours des conséquences importantes pour le salarié comme pour l’entreprise. La négociation d’une rupture conventionnelle peut aussi être une piste à explorer.
Des alternatives à envisager avant un licenciement
Avant d’envisager un licenciement pour insuffisance professionnelle, l’employeur doit explorer toutes les pistes alternatives. La formation est souvent un bon moyen de remédier à des lacunes ou d’aider le salarié à monter en compétences. Un changement de poste, ou une redéfinition des objectifs et des missions, peuvent aussi être pertinents dans certains cas.
L’entretien annuel d’évaluation est un moment clé pour faire le point, identifier les difficultés et mettre en place des actions correctives. Des points réguliers en cours d’année sont aussi recommandés pour suivre les progrès et réajuster le plan d’action si besoin.
Exemple : suite à des résultats en demi-teinte, un commercial pourrait bénéficier d’un complément de formation sur ses techniques de vente, et se voir confier un portefeuille de clients plus en adéquation avec son profil. Un point mensuel serait programmé pour suivre sa progression.
Bon à savoir |
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Une rupture conventionnelle peut être une alternative intéressante quand la relation de travail est dégradée mais qu’un licenciement serait risqué. Elle permet au salarié de toucher des indemnités et de bénéficier du chômage. |
Licenciement : un ultime recours aux lourdes conséquences
Un licenciement, même justifié, a toujours un fort impact humain et économique. Pour le salarié, c’est une épreuve déstabilisante, qui peut fragiliser l’estime de soi et rendre difficile le retour à l’emploi. Pour l’employeur, c’est une décision lourde, qui fait perdre des compétences à l’entreprise et dégrade le climat social.
En cas de recours du salarié, un licenciement injustifié peut aussi coûter cher à l’entreprise en dommages et intérêts. Sans compter le temps et l’énergie consacrés à la procédure. C’est pourquoi il doit rester une solution de dernier recours, quand toutes les autres options ont été épuisées.
À noter |
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Le statut cadre, avec ses spécificités (forfait jours, autonomie, niveau de responsabilité), ne dispense pas d’un licenciement justifié et ne doit pas empêcher d’envisager des alternatives. |
En conclusion, le licenciement d’un commercial pour insuffisance professionnelle est une procédure complexe et risquée, à n’envisager qu’en ultime recours. La clé est d’abord de miser sur la prévention, par un management de proximité, des objectifs réalistes, des moyens adaptés et un accompagnement renforcé en cas de difficultés. Le dialogue et la recherche de solutions alternatives doivent toujours être privilégiés, dans l’intérêt des deux parties.