Le harcèlement moral au travail est un fléau qui touche près de 3 salariés sur 10 selon une étude Ipsos. Ces agissements répétés, qui dégradent les conditions de travail et portent atteinte à la dignité du salarié, peuvent avoir des conséquences désastreuses sur sa santé mentale et compromettre son avenir professionnel. Face à ces situations, l’employeur a un rôle crucial à jouer, entre prévention et sanction. Quelles sont ses obligations précises en cas de harcèlement moral entre salariés pouvant mener à un licenciement ? On fait le point.
L’essentiel à retenir
- L’employeur a une obligation de prévention renforcée en matière de harcèlement moral depuis la loi Travail de 2016. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale des salariés.
- Face à un cas de harcèlement moral avéré, l’employeur doit réagir rapidement en prenant des mesures conservatoires, en menant une enquête interne et en prononçant des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave de l’auteur.
- Un employeur qui manque à son obligation de sécurité en laissant perdurer une situation de harcèlement moral s’expose à des sanctions civiles (dommages-intérêts) et pénales (amende et prison). La réputation et la performance économique de l’entreprise peuvent aussi en pâtir.
Caractériser le harcèlement moral : des agissements répétés qui dégradent les conditions de travail
Le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L’auteur de ces agissements peut être un collègue, un subordonné ou un supérieur hiérarchique.
À titre d’exemple, cela peut se traduire par des propos humiliants en public, des critiques injustifiées, une surcharge de travail, une mise à l’écart… Le salarié qui subit ce harcèlement peut légitimement envisager un licenciement pour motif personnel.
Concrètement, le harcèlement moral peut par exemple prendre la forme suivante :
- Un manager qui rabaisse constamment un membre de son équipe en réunion, le critique sur son travail sans fondement, ne lui confie aucune tâche intéressante
- Un groupe de collègues qui met à l’écart un salarié, le dénigre dans son dos, lui fait des réflexions désobligeantes et vexatoires
- Un subordonné qui conteste systématiquement les directives de son responsable, lui coupe la parole, dénature ses propos, le discrédite auprès des autres salariés
Bon à savoir : Le harcèlement moral se distingue des simples conflits, mésententes ou incompatibilités qui peuvent survenir dans des relations de travail. Pour le caractériser, les agissements doivent être répétés et avoir un effet dégradant sur les conditions de travail. Un fait isolé, même grave, ne suffit pas.
Prévenir les risques : l’employeur a une obligation de sécurité renforcée depuis 2016
Depuis la loi Travail de 2016, l’employeur a une obligation de prévention renforcée en matière de harcèlement moral. Il doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale des travailleurs. Cela passe notamment par des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation. Concrètement, l’employeur peut par exemple :
- Mettre à jour le règlement intérieur avec des dispositions sur le harcèlement moral
- Établir une charte de bonnes conduites
- Organiser des formations pour les managers
- Mener des campagnes de sensibilisation auprès des salariés
- Désigner un référent harcèlement
L’enjeu est d’instaurer un climat de travail sain, basé sur le respect mutuel. Le dialogue social et la communication en interne sur ces sujets sont essentiels. L’employeur peut aussi faire appel à des acteurs extérieurs comme les services de santé au travail ou des associations spécialisées pour mener des actions de prévention.
A noter : Le règlement intérieur doit obligatoirement mentionner les dispositions relatives à l’interdiction du harcèlement moral et sexuel. Des modèles de clauses sont disponibles sur le site du ministère du Travail.
Réagir rapidement face à un cas de harcèlement moral : de l’enquête interne au licenciement pour faute grave
Malgré les mesures de prévention, un cas de harcèlement moral peut survenir. L’employeur doit alors réagir promptement dès les premiers signalements. Sa priorité est de faire cesser ces agissements. Pour cela, il peut prendre des mesures conservatoires comme une mise à pied temporaire ou une mutation. Ensuite, il doit diligenter une enquête interne, en toute impartialité et confidentialité, en auditionnant la victime présumée, l’auteur présumé et d’éventuels témoins.
Si les faits sont avérés, des sanctions disciplinaires graduées sont possibles, de l’avertissement au licenciement pour faute grave en passant par la mise à pied disciplinaire. L’auteur encourt aussi des sanctions pénales lourdes : jusqu’à 2 ans de prison et 30 000€ d’amende.
Le salarié accusé de harcèlement a le droit de faire des observations et de se faire assister lors de l’entretien préalable au licenciement. S’il conteste son licenciement, il peut saisir le Conseil de prud’hommes. La charge de la preuve est aménagée : c’est à l’employeur de démontrer que le licenciement est justifié et que les faits reprochés sont étrangers à tout harcèlement.
La victime de harcèlement dispose aussi de recours :
- Prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur si celui-ci n’a pas réagi
- Saisir le Défenseur des droits qui peut mener une enquête
- Demander au juge la résiliation judiciaire de son contrat et des dommages-intérêts
- Engager une action pénale contre l’auteur du harcèlement
Elle bénéficie d’une protection contre le licenciement suite à son action en justice. Si elle est tout de même licenciée, le licenciement est nul.
Un employeur qui ne réagit pas face au harcèlement s’expose à son tour à des sanctions
Un employeur qui manquerait à son obligation de sécurité en laissant perdurer une situation de harcèlement moral dans son entreprise s’expose à des sanctions civiles et pénales. Le salarié victime peut saisir le Conseil de prud’hommes et obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice subi.
L’employeur risque aussi une condamnation pénale, jusqu’à 1 an de prison et 15 000€ d’amende. Enfin, la réputation et l’image de l’entreprise peuvent en pâtir durablement, avec des conséquences néfastes sur son attractivité et des répercussions économiques non négligeables en termes d’absentéisme, de turn-over et de démotivation des salariés. C’est pourquoi il est crucial que l’employeur prenne ses responsabilités et utilise ses pouvoirs disciplinaires.
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