Vous êtes frontalier et travaillez en Suisse ? Savez-vous quels sont vos droits en cas de licenciement ? Entre chômage complet, chômage partiel et indemnisation en France, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. Pourtant, bien connaître vos droits et les démarches à suivre est essentiel pour faire valoir vos droits et ne pas vous retrouver sans ressources du jour au lendemain. Décryptage des règles qui s’appliquent aux frontaliers en cas de licenciement en Suisse.
Le droit du travail suisse, plus souple qu’en France
Première chose à savoir : le droit du travail suisse est bien plus flexible que le droit français. Un employeur peut vous licencier sans motif, sauf cas particuliers comme une période d’essai, un congé maladie ou maternité. Les fameux entretiens préalables et l’obligation d’un motif économique ou personnel n’existent pas en Suisse !
Mais rassurez-vous, cela ne veut pas dire que votre employeur peut mettre fin à votre contrat du jour au lendemain. Des préavis sont à respecter en fonction de votre ancienneté : de 7 jours en période d’essai jusqu’à 3 mois après 9 ans dans l’entreprise. En cas de faute grave comme un vol, une violence physique ou un harcèlement avéré, un licenciement immédiat est cependant possible.
Bon à savoir : pensez à conserver précieusement tous les documents liés à votre emploi en Suisse (contrat, certificats de salaire, justificatifs d’heures supplémentaires…). Ils vous seront utiles en cas de litige ou pour faire valoir vos droits au chômage.
Contestez un licenciement abusif
Si vous estimez avoir été licencié de manière injuste ou abusive, vous pouvez contester par écrit et réclamer jusqu’à 6 mois de salaire. Mais attention aux délais : la contestation doit se faire avant la fin du préavis et la saisine d’un juge dans les 180 jours après la rupture du contrat. Pensez aussi à vérifier votre convention collective ou votre contrat : des dispositions plus favorables peuvent s’appliquer.
Bon à savoir : même si le motif n’a pas à être précisé, certains licenciements restent interdits, par exemple en cas d’incapacité de travail suite à un accident ou une maladie. Une salariée est aussi protégée pendant sa grossesse et les 16 semaines suivant l’accouchement.
Pour contester un licenciement abusif, il faut pouvoir apporter des preuves tangibles comme des témoignages, des mails, des comptes-rendus attestant d’une discrimination, d’un harcèlement ou encore d’une inégalité de traitement. N’hésitez pas à vous faire conseiller par les syndicats ou les associations de défense des frontaliers.
Chômage complet : inscription en France mais calcul selon le salaire suisse
En cas de licenciement conduisant à une perte totale d’emploi, c’est en France que vous devrez vous inscrire comme demandeur d’emploi, même si vous avez travaillé et cotisé en Suisse. Pôle Emploi vous indemnisera sur la base de votre salaire suisse. Pour vous inscrire, vous devrez fournir le formulaire U1 délivré par la caisse de chômage suisse, en plus des documents habituels (certificat de travail, contrat, fiches de paie…).
Votre indemnisation correspondra à 57% de votre salaire brut moyen des 12 derniers mois (36 mois pour les plus de 53 ans). Par exemple, si vous gagniez en moyenne 5000 CHF par mois, vous toucherez environ 2850 CHF d’indemnités. À noter que les indemnités ne sont pas versées en cas de démission. En revanche, en cas de rupture conventionnelle ou d’un commun accord, vos droits seront ouverts comme pour un licenciement.
A noter : sous certaines conditions, il est possible de bénéficier du chômage en France même après avoir démissionné de votre emploi en Suisse. Un entretien avec un conseiller Pôle Emploi vous permettra d’étudier votre situation.
Chômage partiel en Suisse : 80% de votre salaire maintenu
Lorsque votre employeur réduit votre temps de travail ou suspend temporairement votre contrat, on parle de chômage partiel (Kurzarbeit). Dans ce cas, vous n’êtes pas au chômage total et restez salarié de l’entreprise. C’est votre employeur qui fera les démarches auprès des caisses de chômage suisses et vous versera une indemnité correspondant à 80% du salaire perdu.
Par exemple, en cas de baisse de 30% de votre taux d’activité, vous travaillerez et serez payé à 70%, et toucherez en plus une indemnité correspondant à 80% des 30% non travaillés, soit au final 94% de votre salaire habituel. Une solution qui évite un licenciement pur et simple !
Vos droits au chômage en France
Pour bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) en France en tant que frontalier, vous devez remplir les conditions suivantes :
- Avoir travaillé au moins 6 mois (soit 88 jours ou 610 heures) en Suisse au cours des 24 derniers mois
- Être inscrit comme demandeur d’emploi auprès de Pôle Emploi
- Résider en France
- Être à la recherche effective d’un emploi
Vous pouvez cumuler allocation chômage et revenus d’une activité réduite (« petit boulot »). Vos allocations seront réduites en fonction de vos revenus mais cette solution vous permet de prolonger vos droits dans le temps. La durée maximale d’indemnisation varie de 4 mois à 3 ans selon votre âge et votre durée d’activité.
Licenciement en Suisse : mettez à jour votre situation
Suite à la fin de votre contrat de travail en Suisse, pensez à régulariser votre situation auprès des différents organismes. Informez votre caisse de retraite suisse (LPP), votre assurance maladie (LAMal ou CMU) ainsi que les caisses d’allocations familiales suisse et française. Votre statut fiscal sera aussi à revoir, afin de déterminer où vous devrez être imposé.
En parallèle de votre inscription à Pôle Emploi, n’hésitez pas à actionner tous les leviers pour retrouver un emploi : réseaux professionnels, candidatures spontanées, sites d’emploi spécialisés… En fonction de votre situation (ressources, loyer, état de santé…) vous pourrez peut-être prétendre à des aides complémentaires comme le RSA, la prime d’activité, les aides au logement, ou une complémentaire santé gratuite.
Les règles d’indemnisation des frontaliers au chômage devraient évoluer ces prochaines années, avec une harmonisation européenne qui verrait les indemnités versées par le pays d’emploi et non plus par le pays de résidence. Un changement qui permettrait à la France d’économiser près de 650 millions d’euros par an ! En attendant, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre canton d’emploi ou des associations de défense des frontaliers pour connaître vos droits en cas de licenciement.
Préparez votre retour à l’emploi
Perdre son emploi est toujours un moment déstabilisant, encore plus lorsqu’on travaille dans un pays différent de son lieu de résidence. Mais en connaissant vos droits et en anticipant les démarches, vous mettrez toutes les chances de votre côté pour retrouver rapidement un travail.
Dès l’annonce de votre licenciement, pensez à :
- Consulter votre contrat de travail, convention collective et règlement intérieur pour connaître les spécificités qui s’appliquent à votre situation (préavis, dispositions particulières…)
- Rassembler tous les documents relatifs à votre emploi : contrat, certificats de salaire, justificatifs d’heures supplémentaires ou de primes, formulaire U1, relevés bancaires…
- Mettre à jour votre CV et commencer à activer vos réseaux pour trouver de nouvelles opportunités
- Vous inscrire à Pôle Emploi dès votre retour en France, sans attendre la fin de votre préavis
- Faire le point sur votre budget et ajuster vos dépenses en fonction de vos nouvelles ressources
N’attendez pas de vous retrouver sans revenu pour agir. Plus vite vous vous mettrez en mouvement, plus vite vous rebondirez. Les démarches peuvent parfois prendre du temps, alors anticipez autant que possible.
Bon à savoir : Si vous souhaitez créer votre propre activité ou vous lancer en indépendant, vous pouvez bénéficier sous certaines conditions de l’Aide à la Reprise et à la Création d’Entreprise (ARCE). Cette aide vous permet de toucher en deux fois 45% du montant de vos droits au chômage pour financer le démarrage de votre projet.
Un accompagnement sur-mesure
En tant que frontalier, vous bénéficiez d’un accompagnement spécifique pour votre recherche d’emploi. Des conseillers Pôle Emploi sont spécialisés sur les questions transfrontalières et pourront vous aiguiller, que vous souhaitiez retrouver un travail en Suisse ou vous réinsérer sur le marché français.
L’association Frontaliers Grand Est propose aussi un accompagnement personnalisé aux travailleurs frontaliers, avec des permanences juridiques, des ateliers pratiques et des conseils pour vos démarches. N’hésitez pas à les contacter pour être épaulé pendant cette période de transition.
A noter : Si vous avez travaillé simultanément dans plusieurs pays européens, le pays où vous avez le plus travaillé durant les 12 derniers mois sera celui où demander vos allocations chômage. En cas d’activité inférieure à 12 mois, tous les pays où vous avez été salarié seront pris en compte.
Bien qu’il soit toujours difficile de perdre son emploi, avec les bonnes informations et un accompagnement sur-mesure, vous pouvez transformer cette épreuve en opportunité pour rebondir. Que ce soit en retrouvant un job en Suisse ou en France voire en vous lançant dans l’aventure entrepreneuriale, toutes les options sont ouvertes. L’essentiel est de ne pas rester isolé et d’utiliser toutes les ressources à votre disposition pour avancer. France Travail (Pôle Emploi), associations, entourage : de nombreux soutiens existent pour vous accompagner pendant cette période !